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Mort des moines de Tibhirine : un livre conteste la version officielle
René Guitton conteste la version officielle de la mort des moines de Tibhirine, assassinés en Algérie en 1996. Article original
Qui a tué les moines de Tibhirine ? Selon des dissidents algériens et le général Buchwalter, ancien attaché militaire à Alger, les sept religieux français ont été victimes d'une «bavure» de l'armée algérienne. Une thèse que l'écrivain René Guitton conteste aujourd'hui dans un livre d'investigation, apportant des éléments inédits sur la tragédie, quinze ans après leur enlèvement, le 26 mars 1996.
Dans «En quête de vérité: le martyre des moines de Tibhirine» (éd. Calmann-Lévy), l'auteur réfute la version officielle, validée par Paris et par l'Eglise. Enlevés dans leur monastère, dans une région où les tueries étaient quotidiennes, les moines ont été exécutés après deux mois de captivité. Le 30 mai 1996, on a retrouvé leurs têtes au bord d'une route. Le Groupe Islamique Armé (GIA) de Djamel Zitouni, qui avait demandé aux étrangers non-musulmans de quitter l'Algérie sous peine de mort, a revendiqué l'enlèvement et l'assassinat. Trois déserteurs affirmeront que les services secrets d'Alger avaient manipulé le GIA via leur agent Zitouni.
Exécutés à genoux par un homme debout
Le 25 juin 2009, le général François Buchwalter affirmait au juge d'instruction Marc Trévidic que les moines avaient, en réalité, été tués par les tirs d'hélicoptères de l'armée alors qu'ils bivouaquaient avec des djihadistes. L'officier assurait tenir ses informations d'un militaire algérien, connu à l'Ecole spéciale de Saint-Cyr, dont le frère avait participé à cette opération à la tête de son escadrille d'hélicoptères. Dans son livre, René Guitton dévoile le nom de ce «camarade» algérien du général français.
L'écrivain a également étudié les photos des têtes des religieux. Il a remarqué qu'elles étaient «presque intactes pour certaines» et que chacune portait «un seul impact de balle», résultant d'un tir «dirigé de haut vers le bas». Les moines auraient été exécutés par un homme debout alors qu'ils étaient agenouillés. Par ailleurs, les hélicoptères MI 24 de l'armée algérienne étaient équipés de canons circulaires 38 mm, de roquettes antichar et de mitrailleuses de calibre 12,7 mm. Autant d'armes dont les tirs en altitude auraient fait éclater les têtes des victimes.
Une autopsie des têtes pour retrouver les corps
René Guitton demande une autopsie. Après prélèvement des résidus de poussière, de pollen, de brindilles et particules, les analyses des têtes pourraient conduire jusqu'à la découverte des corps. La décapitation était répandue en Algérie, où les têtes des victimes étaient fréquemment découvertes sur les routes, dans les champs.
S'agissant du volet politique de l'affaire, l'auteur rappelle que Jacques Chirac avait alors confié une mission secrète à Jean-Charles Marchiani, ancien préfet du Var. Tenus dans l'ignorance, Alain Juppé et Jean-Louis Debré, alors Premier ministre et ministre de l'Intérieur, ont fait avorter une opération pour tenter de libérer les moines. Marchiani avait noué des contacts avec le GIA, avec l'accord d'Alger. Le Quai d'Orsay l'avait alors désavoué, entrainant une riposte brutale de Zitouni. «Vous avez rompu le fil du dialogue, nous avons tranché la tête des moines», avait répondu ce dernier. Dans le livre, Alain Juppé confesse : «Je me trompais peut-être (...) puisque la conclusion a été l'échec que l'on sait»
LeParisien.fr avec l'AFP