Article de Aurélie Carton, paru en septembre 2024, dans "Echos du Monde, mentionnant le livre de René Guitton "Paolo, la présence de l'absent".
Grand Angle, Syrie
PAOLO DALL’OGLIO, « LE GOÛT DES AUTRES »
Dix ans après la disparition de Paolo Dall’Oglio, un livre revient sur l’œuvre du père italien : la transformation du monastère de Mar Moussa al-Habachi, en Syrie, allié historique du CCFD-Terre Solidaire, en un lieu de dialogue interreligieux et d’hospitalité.
« Un souleveur de montagnes. » Telle est l’image que l’essayiste René Guitton, décédé en 2023, conserve de son ami, le père Paolo Dall’Oglio. Sous la forme d’une longue missive, l’écrivain spécialiste des religions rend hommage, dans l’ouvrage Paolo, la présence de l’absent, à ce prêtre italien disparu en Syrie en juillet 2013. Et à son œuvre : la réhabilitation d’un monastère isolé dans le désert syrien puis sa transformation en un lieu de dialogue islamo-chrétien, de prière et d’hospitalité.
Au fil des pages, René Guitton revient sur la jeunesse révoltée et romaine de Paolo, ses engagements contre la guerre du Viêtnam, Pinochet ou l’extrême droite italienne dans les années 1970. L’esprit de dissidence ne quittera jamais celui qui s’engagea ensuite dans la voie religieuse, chez les Jésuites. Ni le sens profond de l’accueil dans la tradition abrahamique chère au père Charles de Foucauld et aux moines trappistes de Tibhirine en Algérie. « Ta religion jamais rassasiée a toujours été le goût des autres », témoigne l’écrivain. L’ami sincère n’occulte pourtant pas le caractère tempé- tueux de Paolo : « Tu portais haut le Verbe et tonitruais tes vérités, prêt à braver tous les dangers pour le triomphe de tes convictions. » C’est ce fort tempérament qui permit au jésuite de relever de ses ruines le monastère de Mar Moussa al-Habachi dans les années 1990 et d’y fonder une communauté religieuse. Un lieu improbable, perché à 1 300 mètres d’altitude où se côtoyaient en fraternité des bergers syriens, des routards européens, des onusiens et des gens du coin, des chrétiens de différentes obédiences et des musulmans. Quand éclata en 2011 le soulèvement pacifique contre le régime de Bachar al-Assad, l’écrivain rappelle comment le père Paolo prit fait et cause pour les révolutionnaires syriens et finit par être expulsé de son pays d’adoption. Ne supportant pas de rester impuissant, le jésuite revint en clandestin dans l’espoir de négocier avec Daech la libération d’otages. Et le 29 juillet 2013, il disparut à Rakha. « Depuis, écrit René Guitton, aucune preuve de ta vie ne nous est parvenue ni aucune preuve de ta mort. »
Aurélie Carton
Paolo, la présence de l’absent, René Guitton, éd. Desclée de Brouwer