La Nef, journal catholique indépendant dans son numéro de novembre.
Paolo, la présence de l’absent, René Guitton
Desclée de Brouwer, 2013
« Aucun indice de vie, aucun indice de mort » :
dix ans après la disparition du père Paolo Dall’Oglio près de Rakka (nord-est syrien) alors qu’il allait rencontre le chef de DAESH pour négocier la libération d’otages, le sort de ce jésuite italien devenu moine syriaque-catholique reste totalement inconnu.
Fallait-il pour autant l’enterrer dans l’oubli ? L’essayiste René Guitton ne s’y est pas résolu, comme en témoigne cet essai émouvant où alternent la crainte et l’espoir, mais surtout la fidélité. En retraçant le parcours original de celui dont il se sent toujours très proche et qu’il a souvent accompagné en Syrie, l’auteur met en évidence l’essentiel de son œuvre, et d’abord la restauration de l’antique monastère Mar Moussa (Saint Moïse), situé non loin de Homs, où il installa une communauté religieuse mixte vouée à une hospitalité refusant toute barrière confessionnelle ou politique.
Le père Paolo Dall’Oglio se distinguait par son approche passionnée de l’Islam, son refus explicite de toute intention de convertir les musulmans et son opposition résolue au régime de Bachar El Assad, ce qui suscitait bien des incompréhensions sur « l’agitation de Mar Moussa » au sein des Églises de Syrie, où l’on redoutait la victoire des djihadistes, et jusqu’au Vatican, où l’on s’interrogeait sur ses positions « provocatrices ». Sans dissimuler certaines réserves à l’égard de telles opinions, rappelant qu’il avait souvent averti le père Paolo des dangers encourus, René Guitton n’en cultive pas moins une grande admiration pour son ami, comme il l’exprime en conclusion de son livre. « Les êtres d’exception ne meurent jamais, Paolo ».
Annie Laurent