Article paru le dimanche 21 octobre 2018
« Rimbaud a ringardisé Verlaine » Propos recueillis par Corinne Lange.
Homme de lettres, de musique et de télévision, René Guitton est aussi un grand voyageur que ses pas ont mené jusqu'à Charleville-Mézières, sur les pas de Rimbaud.
Roche, où Arthur Rimbaud a écrit « Une saison en enfer », Roche encore où la maison du poète a été rachetée par la chanteuse Patti Smith. Méry, hameau du Vouzinois qui a porté Rimbaud sur les fonts baptismaux, Charleville-Mézières, sa maison des ailleurs, son musée. Laifour, ou Hervé Tonglet sculpta l'homme aux semelles de vent. Il faudra un autre séjour pour se rendre sur la tombe du poète.
Rimbaldien s'il en est, René Guitton vient de s'autoriser un pèlerinage en terre ardennaise, sur les traces de l'auteur carolomacérien.
Bio express :
Paru le 16 août, « Arthur et Paul, la déchirure », paru chez robert Laffont est le dernier ouvrage écrit par René Guitton.
En février 2015, il est l'un des 60 écrivains à participer au recueil « Nous sommes Charlie » dont les droits ont été reversés à Charlie Hebdo.
En septembre 2015, René Guitton figure dans la première sélection de 13 ouvrages pour le prix Interallié avec « Mémoires Fauves ».
En 2013, il reçoit les insignes de Chevalier des Arts et des Lettres.
En 2009, on lui décerne la prix des Droits de l'homme pour son ouvrage « Ces chrétiens qu'on assassine ».
René Guitton a aussi été journaliste pour France2 et RTL. Il a été directeur chez Polydor France, patron des Victoires de la musique en 1992 puis éditeur.
Roche, où Arthur Rimbaud a écrit « Une saison en enfer », Roche encore où la maison du poète a été rachetée par la chanteuse Patti Smith. Méry, hameau du Vouzinois qui a porté Rimbaud sur les fonts baptismaux, Charleville-Mézières, sa maison des ailleurs, son musée. Laifour, ou Hervé Tonglet sculpta l'homme aux semelles de vent. Il faudra un autre séjour pour se rendre sur la tombe du poète.
Rimbaldien s'il en est, René Guitton vient de s'autoriser un pèlerinage en terre ardennaise, sur les traces de l'auteur carolomacérien.
16 août 2018, sort « Arthur et Paul, la déchirure ». A quand remonte cette passion pour les deux poètes ?
Adolescent, Rimbaud représentait un modèle. C'était un aventurier, un rebelle. Mais à l'époque, je ne percevais pas tout de ce personnage. Ce qui était certain, c'est que je rêvais comme lui de l'Orient. Pour Verlaine, mon intérêt a été plus tardif. Il remonte à l'un de mes séjours à Bruxelles. Je me suis rendu dans un café où Rimbaud et Verlaine avaient leurs habitudes. Où ils consommaient à l'excès bière et absinthe. Le cafetier évoquait le procès où Verlaine avait été condamné pour avoir tiré sur Rimbaud. Le cafetier livrait une version différente, expliquant que Verlaine était tombé sur un juge homophobe. A partir de là, à la fin des années 70, je n'ai plus dissocié Rimbaud de Verlaine et je me suis intéressé à tout ce qui concernait le couple formé par les deux poètes.
Quelques années plus tard, vous entendez à nouveau parler de ce juge qui condamna Paul Verlaine. Vous, le journaliste, vous sentez que vous tenez un scoop.
C'était en 1985. Un journaliste belge est en possession d'un document qui date de juillet 1873. le juge réclame un examen de Verlaine par deux médecins. Un examen particulièrement scandaleux puisqu'il passe aux crible le sexe et l'anus du poète. Dans leurs conclusions, les médecins assuraient que la souplesse de l'anus de Verlaine prouvait ses mœurs et son homosexualité. C'est pour cette raison que Verlaine aurait été condamné à deux ans de prison pour tentative de meurtre. Il sortira 18 mois plus tard.
En 2003, une rencontre avec Alain Tourneux, conservateur au musée et membre de l'association des Amis de Rimbaud à Charleville-Mézières s'avère déterminante.
J'évoque avec lui le sujet de l’examen médical de Verlaine. AlainTourneux me conseille alors de me rendre à Bruxelles. Je suis ses conseils et le document réapparaît en 2004. Grâce à mes recherches, il sera publié par la bibliothèque royale de Belgique.
Il existe un lien entre ce voyage à Bruxelles et l'écriture de votre livre « Arthur et Paul, la déchirure » ?
A l'époque, je me trouvais à Bruxelles pour écrire sur cette affaire. Et puis j'ai passé la main au conservateur de la bibliothèque. J'ai également laissé passer les années mais je porte ce livre en moi depuis longtemps. J'ai voulu aller plus loin. De l'Allemagne à la Belgique en passant par l'Angleterre. J'ai collé leur histoire sur la grande Histoire. Le livre est mené comme un roman car leur vie est romanesque. A l'époque, elle a tout pour choquer. Verlaine va quitter sa famille pour vivre une passion avec Rimbaud. Il a ringardisé et vampirisé Verlaine. Chez Verlaine, c'était un amour pur. Pour Rimbaud, c'était l'occasion d'être introduit dans les milieux artistiques. Mais aucun des deux n'aurait été ce qu'ils sont devenus sans leur rencontre.
Dans ce roman de 300 pages, tout est révélation. Le genre est inédit. Les ventes cartonnent. Avez-vous d'autres projets liés à Rimbaud ?
Je suis déjà en train de préparer un autre livre sur Arthur Rimbaud. Je dois également rencontrer dans les prochains jours Patti Smith. Une rencontre qui se fera chez Récamier à Paris. Un projet avec elle ? Peut-être... Je connais bien Patti Smith musicalement. J'allais à ses spectacles dans les années 1968 à 1969. C'est une véritable icône punk et lorsque j'étais éditeur musical, j'ai produit le premier groupe punk français. Un signe...
Une lettre à 405 000 euros
« Adieu mariage, famille, adieu avenir » : une lettre émouvante d'Arthur Rimbaud à sa sœur Isabelle, datée de juillet 1891, a été vendue le 9 octobre pour 405 000€ chez Sotheby's à Paris. Rien de surprenant pour René Guitton qui a eu connaissance de la missive estimée entre 100 000 et 400 000€. « Une lettre de Rimbaud aura une valeur supérieure à une lettre écrite de la main de Verlaine », explique René Guitton. « Si j'en avais eu les moyens, j'aurais tenté de l'acquérir... » Ce jour là, d'autres lettres ont été mises en vente : une lettre adressée à sa mère et à sa sœur, datée du23 mai 1891, cri de détresse d'un homme seul et moribond. Une autre du 10 septembre 1884 dans laquelle il confesse sa difficile existence africaine, alors qu'il est négociant à Aden.