Deux des héros de Mémoires Fauves sont des Orientaux. Michel Beaufort, Franco-Libanais descendant d'une illustre famille de Croisés, est le très atypique patron de la major du disque Philips. Plutôt que le showbiz, il préfère la littérature. Ce n'est pas sur son label, mais dans le même groupe Universal que Fauves est devenu une star planétaire. Un artiste engagé, mégalo, arrogant, mystique, qui se proclame « le porte-parole des animaux » et donne des concerts pharaoniques au stade de France. A la ville, Fauves s'appelle Benjamin Tawal, né à Alexandrie puis envoyé à Beyrouth pour des raisons obscures. Lorsqu'ils de rencontrent, Benjamin appellera Michel « mon frère d'Orient ». Le déclic de produira grâce à Aurélie Montbron, grand reporter qui a sillonné tous les terrains de guerre de la planète (en particulier au Moyen-Orient) et qui est devenue, à ses risques et périls, une spécialiste de l'extrême droite européenne. Un certain Dedirk, fasciste notoire, l'a dans le collimateur.
Tout le monde croit que Fauves et Aurélie forment un de ces couples aussi improbables que magiques qui font le bonheur de la presse people. On s'apercevra en fait, grâce au journal -posthume- 2013-2014 de Fauves, que la vérité est plus compliquée que cela. Plus tragique aussi. Toujours est-il que l'artiste se sert du charme évident de son amie pour séduire Michel, avec qui il a décidé de travailler, en dépit d'une clause, interne à la major, de « non-débauchage » entre labels. L'affaire, un projet à base de cris d'animaux, échouera. Michel étant incapable de faire semblant d'aimer quelque chose pour des raisons strictement commerciales. En revanche, un lien fort et tourmenté va se créer entre les deux hommes. Avec Aurélie au centre de la relation.
Mémoires Fauves, narré à la façon d'un thriller, avec son lot de révélations finales, est un roman à plusieurs entrées. Une histoire d'amour où René Guitton bouscule sacrément le fameux concept de « triangle amoureux », femme-mari-amant. On n'en dira pas plus. Un livre dont les grands problèmes de l'époque constituent la toile de fond : guerres, terrorisme, fanatisme religieux... Une peinture du monde du disque, plutôt réaliste et loin des caricatures habituelles. Un roman psychologique sur les drames et les fêlures de chacun, lesquelles remontent toujours à l'enfance. Fauves, plus que bien d'autres, en fut victime, et l'on comprend enfin pourquoi il avait choisi ce nom. J-C. P.